Rencontres

ACTIONS CULTURELLES ET DE MEDIATION
dans le cadre des temps de présence à Quimper de Catherine Rannou durant sa résidence de janvier 2015 à janvier 2016 :














 

Le but des rencontres publiques avec l'artiste et architecte Catherine Rannou est de permettre à chacun de mieux comprendre sa démarche artistique et de suivre l'avancée de son projet pour cette résidence.
En partenariat avec l'EESAB site de Quimper, la MJC/MPT Kerfeunteun, la Maison du Patrimoine, le CAUE du Finistère et Gros Plan cinéma art & essai, l'association Art4Context propose également des actions culturelles visant à élargir la question de l'auto-construction à des problématiques patrimoniales, sociales, cinématographiques, etc. 

Ce blog dédié à la résidence de Catherine Rannou permet de suivre l'avancée du projet "Les Auto-constructeurs (poésie du détail)", de prendre connaissance des comptes-rendus des conférences et rencontres publiques, d'y écouter des entretiens réalisés avec les artistes, d'y voir des œuvres vidéos ou des interventions réalisées dans l'espace public, de se tenir informé des actions culturelles et de médiation organisées à l'attention des tou-te-s.




- - -
.
vendredi 22 janvier 2016 à 17h
au centre d'art contemporain LE QUARTIER. Entrée libre.
.
Visite d'exposition
" L'Agence Internationale, Jean, Nicolas et Richard"
par Catherine Rannou.


- - -
.
Jeudi 5 novembre 2015 de 19h à 22h30
à la MJC/MPT KERFEUNTEUN. Entrée libre.
.
Soirée Rencontre / Film / Débat 
 avec Catherine Rannou et Yann Maury.
" (s')Auto-construire ou L'art de refaire son intérieur "
pour élargir le propos aux bienfaits de l'auto-construction sociale dans un contexte de spéculation immobilière.

1- Rencontre publique 4 avec Catherine Rannou
L'artiste/architecte présente sa démarche artistique et l'avancée de ses recherches et rencontres faites à ce jour avec des auto-constructeurs de Quimper et alentour, et nous donne quelques indications concernant ses intentions pour l'exposition de restitution au centre d'art Le Quartier en janvier/février 2016 (dates à préciser). 
Echanges avec les personnes présentes.

RESTITUTION AUDIO - deux extraits sur quelques intentions pour l'exposition de restitution : 
Extrait 1 : un film non documentaire -  l'exposition référence - l'auto-constructeur, la convivialité et l'éblouissement.
Extrait 2 : la dimension fictive. 

 

ECHANGES entre Catherine Rannou et les personnes présentes : 
nota : pour des raisons techniques, certaines questions n'ont pu être enregistrées de manière suffisamment audible pour être diffusées ci-dessous. Mais les réponses y sont ! 

Sur la légalité, le permis de construire. 

Sur l'architecture sans architecte. 

Sortir des idées reçues : coopération entre auto-constructeurs et architectes.

La notion de collectif. 



2- Projection du film de Yann Maury 
" Les cités coopératives de la Community Self Building Agency ou L'art de refaire son intérieur ".
REGARDER LE FILM : CLIC 


3- Débat avec Yann Maury en visioconférence.
Yann Maury est Professeur, Docteur d'Etat HDR en Science Politique, titulaire de la chaire internationale « Habitat coopératif & Coopération sociale », Chercheur à l’Unité AE&CC-Laboratoire CRATerre-ENSAG, Ecole Doctorale numéro 454 : Sciences de l'homme, du politique et du territoire, ENTPE & Université de LYON. Pour en savoir + : CHAIRECOOP.

Crédit photo : Jean-François Le Gallo, MJC Kerfeunteun.

RESTITUTION AUDIO de l'échange entre Yann Maury et les personnes présentes : 

1- Des personnes et du marché.

2- Droit au logement.

3- Quelle reproductibilité en France ?






4- Quels critères de sélection des auto-constructeurs ? 

5- L'élu, l'expert et l'habitant... et l'artiste - Les Castors. 
 

6Bâtiments publics vacants. 


7- Liens vers CHAIRECOOP.- Aux revoirs. 






- - -
.
Vendredi 10 juillet 2015 à 14h
.
" L'architecte, l'artiste et l'auto-constructeur "

Rencontre publique 3 avec Catherine Rannou

artiste et architecte invitée en résidence à Quimper en 2015 par l'association Art4Context.

Au CAUE du Finistère, 2 rue Théodore Le Hars à Quimper (entrée au 32 boulevard Dupleix). 

Entrée libre / durée : 1h30 environ.

De retour à Quimper en résidence de recherche/création, Catherine Rannou présente sa démarche artistique et l'avancée de ses recherches et rencontres faites à ce jour avec des auto-constructeurs de Quimper et alentour. 

Cette présentation s'inscrit également dans le cadre des rencontres organisées autour de l'exposition Petites combines et bons tuyaux du CAUE du Finistère.

! COMPTE-RENDU à venir bientôt !


Comme vous voyez, je suis artiste et architecte. J’enseigne aussi l’architecture. C'est un tripode assez également réparti : 33 % art, architecture et enseignement, et c’est vraiment ma stabilité - le tripode est ce qu’il y a de plus stable. Ce sont donc des allers-retours de plus en plus importants. Au début, ces trois activités étaient très séparées. Avec la maturité, ça se mélange, je suis plus habile pour les mélanger et être capable de prendre les risques de ces mélanges. 

Je suis architecte et j’ai construit très jeune. A 25 ans, je construisais 40 logements à Nantes. Je me suis prouvé que je savais construire car souvent, le problème des architectes, c’est qu'il faut prouver qu’on sait construire, qu’on sait suivre un chantier… Donc j’ai été précipitée très jeune. 

Je ne veux pas dire que je suis architecte en retraite mais que j’ai peut-être réussi à mûrir sur certaines choses, notamment dans les projets les plus récents que je peux faire : être capable de travailler avec les entreprises mais en leur laissant de la place, en ne prenant pas toute la place de la conception, ou bien en travaillant avec des auto-constructeurs - puisque c’est le sujet qui m’intéresse - en leur laissant aussi la place de la discussion et de la création. Eux aussi peuvent créer, ce n’est pas forcément moi, l’architecte, qui ait le dernier mot. C’est donc un fonctionnement qui est une sorte de contribution. On est tous au même niveau et on s’apporte des savoirs-faire, des idées de dispositifs architecturaux, des contraintes d’usages ou des souhaits d’usage.

Aujourd'hui, je ne vais pas vous présenter les projets publics que j’ai pu faire, que ce soit  dans le parc de la Villette, à Nantes, à l'école de musique, etc. Je vais plutôt vous parler de petites maisons que j’ai pu réaliser avec des auto-constructeurs, et qui posent donc la question du statut de l’architecte. Je ne les présente pas en détail, juste 2-3 photos pour vous montrer cela... 

Ce sont des commandes et des matériaux que je n’ai pas choisis, qui sont partis de l’auto-constructeur qui m’a dit : « voilà, j’ai trois containers, je veux construire avec ça parce que ça me rassure, parce que ça existe déjà ». Peut-être vous demandez-vous où se trouve le travail de l'architecte là-dedans ? C’est donc ça qui m’intéresse, me mettre en risque pour me questionner sur mon rôle et en quoi je peux vraiment être utile.

Là, le but était de construire un "parapluie" qui les protège de toutes les imperfections qu'ils allaient forcément créer puisque ce sont des gens qui n’avaient jamais construit. Le problème, c’est toujours l’étanchéité, à l’eau, à l’air. Ce sont plutôt des questions techniques que des questions spatiales, je leur ai donc proposé cette grande toiture qui protège leur chantier. C’est donc une couverture de chantier qui ensuite devient la couverture d’une terrasse, etc. Mais il fallait intégrer que ça allait être construit par eux-mêmes, que l’auto-construction était un mode de construction, de création, intégré dès le départ par l’architecte. 

Et puis le CAUE des Côtes d’Armor... 

3:28 
LA SUITE BIENTÔT... 



- - -
.
Mercredi 8 juillet 2015 à 16h30
.
Visite guidée " Le Patrimoine de la récup' "
par Pascal Le Boëdec, guide conférencier de la Maison du Patrimoine / Ville de Quimper.
RV devant la Maison du Patrimoine5 rue Ar Barz Kadiou (au-dessus de la Place au Beurre).
Réservation conseillée au 02 98 95 52 48 / non payant / durée : 1h30 environ.
La visite démarre de la Maison du Patrimoine pour un parcours dans le centre ville des bâtiments construits à partir de la récupération d'éléments architecturaux ayant appartenu à des édifices plus anciens. Traces d'arrachages, réhabilitation "sauvage", décoration perso de son espace de vie extérieure, trace d'anciens lieux dans des nouveaux... Une visite insolite qui vous fera voir Quimper différemment...


nota : cette visite sera relancée lors de la troisième et dernière résidence 
de Catherine Rannou en janvier 2016.


- - -
.
Mardi 7 avril 2015
.
Rencontre publique 2
avec Catherine Rannou, artiste et architecte invitée en résidence à Quimper en 2015 par l'association Art4Context.
A 19h à la MJC/MPT KERFEUNTEUN. Entrée libre.

Après une présentation synthétique de sa démarche de création, Catherine Rannou expose l'avancée de ses recherches et rencontres avec des auto-constructeurs effectuées durant son premier séjour en résidence à Quimper du 30 mars au 8 avril.
Puis un échange a lieu avec les personnes présentes.



Compte-rendu

CR : On arrive donc à cette petite construction qui est la première photo que j’ai faite quand je suis arrivée et que j’ai rencontré Erwann et Julie. C’est dans une de leurs constructions : c’est cette ventilation qui permet au chat de circuler, d’entrer, de sortir, d’être libre et qui permet aussi de ventiler l’habitat : la yourte qui est autour. 
Ce que j’aimais, c’est que je considère la yourte comme un habitat standard, mais par contre cette petite construction là ne l’est absolument pas et s’adapte à cette particularité de la yourte qui est d’avoir une structure auto-portante en croisillons assez belle, assez intéressante. On trouve les cordages, les ficelles qui permettent de maintenir, le plastique qui fait une vitre, ce n'est donc pas un double-vitrage. Il y a le petit tapis pour s’essuyer les pattes qui est une récupération de tapis d’exposition, ce que j’ai appris il n’y a pas longtemps en interviewant Erwann. Mais comme la longueur n’est pas assez importante, le chat ne s’essuie pas les pattes…

Il y a aussi les moules en silicone, deux l'un sur l'autre (au bout du tuyau du poêle à bois qui traverse le toit, ndlr), que j'ai d'ailleurs conseillés à un auto-constructeur - donc échange de savoirs. 

Je vais présenter 5-6 portraits de constructions puis vous expliquer comment je trie. J'ai juste trié des vues de face des constructions. Là, ça devient plus compliqué d’expliquer parce que je n'en ai pas l'habitude, c’est tout récent...

Un premier portrait de construction. 
Je dis que c’est une habitation, je n’ai pas envie d’employer le mot "cabane" parce qu’il y a tout pour vivre dedans a priori. Il y aura même une salle de bain…
On est entre standard et non standard. Les pare-pluies, c’est du standard. Il y a de la récupération. Il y a tout de même des menuiseries de fenêtres standards qui sont re-découpées et qui paraissent très fines par leur re-découpage, donc là ce n’est pas tout à fait standard. Il y a certaines plantes un peu standards qui sont en train d’arriver et ont été récupérées dans une boutique de jardinage…
Ce que je trouve intéressant, c’est que c’est entouré de bois, de bûches, et en même temps c’est construit avec des matériaux qui ne viennent pas de la forêt qui est là, qui viennent d’ailleurs et qui ont circulé dans le monde ou pas - je ne sais pas encore.

Une autre construction, donc un autre auto-constructeur. 
C’est autre chose. Alors que le premier est plus en harmonie avec le bois, protégé par la forêt, là c’est quelqu’un qui vient de la pêche et de la voile et qui est plus dans les cordes, les filets, les choses souples, et la résistance au vent.
Les deux habitats sont des habitats a priori provisoires, c’est-à-dire qu’il n’y a pas de fondations ni dans l’un ni dans l’autre. Le premier auto-constructeur est un jeune homme de 23-24 ans, là c'est une personne qui a 78 ans...

Ici, c
'est une femme d'une cinquantaine d'années. Ce que je trouvais intéressant, c’est que ce n'est pas un habitat. C’est une serre où le standard est modifié puisque c’est un abri à caddies qui a été customisé pour fermer les portes : la partie par laquelle passe les caddies a été occultée. 

Là, on est dans Quimper, c’est un projet très ambitieux construit par un homme seul sur le chantier. Il y a une maison qui préexiste, il y a la clôture en granit qui est prise dans le mur, il y a tout un collage... 
Je précise que ces photos sont vraiment documentaires. Elles sont prises en même temps que la discussion avec l’auto-constructeur, en même temps qu’on filme, qu’on fait le son… Ce ne sont pas des photos qui, pour l’instant, méritent d’être exposées. C’est de la prise de note. Je ne présente pas toutes les auto-constructions qu’on a visitées parce qu’il y en a certaines que j’ai en film et pas en photo, et vice versa

Ça, c’est un poulailler qui est fait avec des filets Kompan, je pense. Ce sont des jeux standards en filet sur le toit qui vont servir à faire pousser des kiwis. Là, on est dans l’association de pas mal de standards entre eux.

Ce qui m’intéresse, c’est l’auto-constructeur qui va raconter comment il a construit et quels détails il a mis au point. Pour l’instant, je repère les constructions qui m’intéressent...

On va essayer de faire une collecte de dessins : quels sont les dessins qui sont faits en amont ? Il y en a qui ne dessinent pas du tout : pour ceux qui sont dans la récupération, c’est pratiquement impossible de dessiner - enfin c’est un peu ce que j’ai remarqué. En revanche, quand on a la question de la découpe du bois, là il faut faire des dessins, donc je pense qu’il y aura dans l’exposition - c’est pratiquement sûr - ces recherches, ces processus de conception : comment on conçoit, comment on fait, comment on cherche... 

Ça peut être aussi ça : les débits. Toute entreprise fait des débits. Ce qui m’a plu dans ce projet, c’est la démarche quasi professionnelle par quelqu’un qui ne l’est pas et qui a trouvé le chemin de : comment on construit, comment on économise du bois, etc., avec tous les allers-retours, toutes les modifications, tous les changements qu’on trouvera dans les détails ... 

Ça, c’est quelqu’un que je n’ai pas rencontré, c’est son voisin qui m’a montré ses plans qu’aucun étudiant en architecture ne sait faire aujourd’hui, à la main en tout cas. C’est dessiné au Rotring, c’est d’une finesse...
Pour dessiner, ce sont des projets qu’on peut pratiquement trouver en ligne sur internet, ce sont des dômes. Là, c’est le dessin du plancher du dôme. Donc, à la fois ça donne un objet assez standard, dans un registre très précis, et en même temps il y a une qualité de dessin que je trouvais vraiment intéressante : en coupe, en plan...

Il y a des archives. Il y a la question de l‘inventeur puisque dans les personnes qu’on a rencontrées, il y en a une qui est plutôt inventeur. Il nous a parlé de ses inventions : le vélo à voile, les patins à roulettes avec des grandes roues, des choses qui ont finalement rarement marché. Il nous a expliqué ses échecs, ce qui explique aussi pourquoi il vit dans ces conditions là : il le revendique comme un choix.

[…]

Certaines expositions sont uniquement faites avec des photos réalisées avec mon téléphone portable.  C’est arrivé pendant une mission scientifique : mon Canon est tombé en panne et j’avais ce téléphone de secours. Finalement, j’ai continué avec celui-ci puisque je prends des photos pour réaliser des documents et que je ne fais pas de très grands formats.La plupart de ces photos-là sont donc prises avec un téléphone, et je me retrouve avec énormément de photos. Il y a un tri qui s’opère, les photos sont classées par couleur, par sujet. En général, c’est un portrait du bâtiment : les détails, l’intérieur, puis des choix s’opèrent.  Ce sont souvent des photos de face, très frontales, on n’a pas d’ambiguïté sur ce qui est photographié. 

Par exemple, j’ai pris une photographie similaire en Antarctique, avec des toilettes qui ont une cheminée. Là-bas, on brûle les sels, donc il y a un brûleur... En France, ça ne peut pas être des toilettes. Dans ce cas, c’est une douche avec un système pour créer de l’eau chaude.

Ce sont des petits détails que je vois, que je compare avec d’autres constructions. Est-ce que je vais être dans des modes de comparaisons entre les constructions dans plusieurs lieux du monde ? A voir... 


Les série de caravanes.
Voici un exemple avec une caravane appuyée le long d’un arbre pour avoir de l'ombre pendant l'été. C'est un dispositif spatial qui commence à être assez classique en architecture et qui marche bien : on n'accole pas deux éléments mais on laisse le regard pouvoir filer, ainsi ça ne fait pas un angle fermé et quelque chose de trop enclos, cela permet de garder une dynamique dans l’espace.
On voit bien d’ailleurs, quand c’est fermé l’espace apparaît complètement clos.

Il y a aussi un aspect voilage, on dirait vraiment une caravane voilée.
Tout le système est fait avec des chaluts récupérés qui amortissent le vent, qui empêchent la tente d’être secouée en permanence. Il y a l’étanchéité aussi et l’isolant thermique tout autour de la caravane - qui va déménager prochainement : on essayera d’aller au déménagement pour avoir tout le listing des matériaux utilisés.
Hier, on est allé voir ces bâtiments assez intéressants qui sont des yourtes hyper confortables, mais selon moi un peu trop classiques. C’est un standard qui est reproduit et amélioré techniquement. Je pense que c’est lui qui a construit le petit sas qu’il y a entre les deux, et qu’il a fait le pilotis, avec le stockage de bois. Je vais essayer de voir en juillet avec cette personne qui a commandité ces yourtes et les a terminées, mais qui n'est pas un auto-constructeur, ce qu’on peut faire.
Ce projet-là est assez amusant, c'est sur le même terrainC’est une ancienne serre agricole qui m'a été indiquée par Erwann et Iwan en leur expliquant un peu ce que je cherchais. Vous reconnaissez les tourets, vous voyez que c’est chauffé, c'est une sorte d’habitat. La tôle est posée à l’envers, ce qui permet de monter dessus. Par contre, la pluie ne s’écoule pas très bien. Mais qu’est-ce qui est prioritaire, finalement ? Je pense que c’est éclairé parce qu’il y a une mezzanine. Il y a un petit bout de logement dedans et tout le reste est un atelier.

Ça, ce sont des dessins de dépôt de brevet (cf. plus haut les dessins au Rotring). J’aimerais bien qu’il y ait certains de ces documents-là, avec des prix obtenus par l’inventeur, peut-être affichés dans l’exposition. 

[…]
La carte.
Dès que je suis en résidence et où que j’aille, il y a toujours des cartes au départ. Avant de venir, je les regarde et les étudie. Je viens avec des cartes dans la main pour situer les choses, je commence à m’orienter. Donc là, c’était une carte pour voir avec l’auto-constructeur où j’allais me rendre...

Et puis les détails de constructions…
Ce qui a résisté, ce qui n'a pas résisté… Rien n'est décoratif… L'isolant thermique en dessous, avec la paille dans les sacs qui empêche l'air de passer.
Il y a d'autres détails qui sont davantage dans la ligature…
Les assemblages. On a l'impression que c'est percé sur le fil, mais non… Les effets de perspective… Les différents types d'isolants, les tuyaux, l'électricité, la structure de la serre, tout ce qui est récupéré…
Ce sont des détails de construction qui sont assez intéressants parce que c'est du standard mais qu'ici on a dû mettre un petit tasseau à cause d'un problème d'axe à la découpe, et qu'il manquait quelques centimètres qui sont récupérés par ce tasseau. Dans la plupart des chantiers que j'ai pu faire, j'aime bien voir le détail qui fait que l'outil ne pouvait pas aller à tel endroit et qu'on a dû modifier. A chaque fois il y a une invention pour fixer… Là, on retrouve un mélange entre les liens et les éléments en bois. Il y a aussi le code-barres que je trouvais intéressant… la rallonge… 

C'est un peu fastidieux à montrer, mais ça va être ça la "poésie du détail"… 

Il y a aussi un autre auto-constructeur très intéressant qui travaille avec des couvertures d'isolation. Là, on a à la fois une couverture en laine et du fermacell qui empêche qu'un poële puisse enflammer la cabane et l'isolant. On est dans des choses souples et des textiles, avec des plumes mises dans des endroits clés de la maison. Ce qui est intéressant dans ce projet, c'est que c'est un chalet standard avec une extension non standard qui est ajoutée. C'est l'auto-constructeur qui a inventé le plancher, la structure et les fenêtres… Dans le même endroit, il y a ces jonctions et raccords avec ces différents types de bois entre le chalet et l'extension.

Ce que j'ai envie de faire, c'est exactement ce que je suis en train de faire là : je vous raconte quelquechose que vous n'avez pas vu, que vous ne voyez pas globalement ; vous n'avez pas de repères. C'est ce que j'ai envie de faire dans l'exposition (de restitution) : c'est le cumul de tous ces détails faits par les auto-constructeurs qui va raconter un autre espace qu'on ne verra peut-être pas et que le public va imaginer.
Là, on revient à l'auto-constructeur qui travaille à Quimper. Il refait du plâtre sur lattis avec du bois de palettes qui est beaucoup plus épais qu'un véritable lattis. Cela devient structurel et fait un coffrage. A l'intérieur, il mettra de la paille. Là, il essaye différents types d'enduits pour pouvoir finir son mur. Ce qui est intéressant avec lui, et ce qui va nous intéresser dans le cadre de la collaboration avec le Fablab de la MJC de Kerfeunteun, c'est qu'il a tout dessiné sur SketchUp en 3D. J'aimerais bien qu'on fasse une maquette avec lui à partir de sa saisie 3D qu'il a réalisée. Il a fait des charpentes assez exceptionnelles... Je pense qu'il serait partant, mais il faut savoir que les auto-constructeurs sont très occupés, donc…
[…]
ça, c'est la fameuse charpente réalisée par quelqu'un qui n'a utilisé aucun échafaudage. Il a tout construit au fur et à mesure, c'est-à-dire qu'il n'a pas fait une charpente levée mais qu'il a tout posé petit à petit… C'est quelqu'un qui emploie des termes très techniques, qui a fait des stages et s'est documenté. C'est titanesque et c'est splendide, chapeau ! Il s'appuie sur de l'ancien, du neuf, c'est un ancien abattoir.


Je pense que vous êtes comme moi, il y a un trop-plein. Il y a tellement de choses... Qu'est-ce qu'on peut faire avec ça ? […]

Avec les auto-constructeurs, l'idée est d'essayer de faire une sorte de transmission de savoirs. Ce sont eux qui vont expliquer comment ils ont mis au point un détail, mais on va essayer de les sortir de leur contexte car ils sont immergés dans un réel omniprésent, dans les objets et la matière en permanence. 
Faire une interview avec toute cette matière autour, on l'a expérimenté, cela ne marche pas, il y a trop de sollicitations. L'idée est de mettre cet écran translucide derrière eux, ce qui n'efface pas le contexte mais permet de les mettre en lumière par rapport au fond. 
Donc on a testé ça… On a cherché des toiles, voir comment ça faisait en extérieur. Au début, on voulait filmer en extérieur devant le bâtiment […], mais on a décidé de l'installer en intérieur. On a trouvé une toile de serre neuve. […] Là, on voit bien que les objets ressortent sur le fond. […] Finalement, on s'est dit qu'on laisserait le pli, probablement. […]
Voilà où j'en suis. Vous voyez la somme que c'est, tout ce qu'il y a ! Et en quoi est-ce un travail artistique ? Il y a beaucoup de questions…
Suite et fin de la conférence
à écouter ci-dessous :




- - -

Mardi 20 janvier 2015
.
Rencontre publique 1
avec Catherine Rannou, artiste et architecte invitée en résidence à Quimper en 2015 par l'association Art4Context.
A 18h à l’école d’art de Quimper. EESAB site de Quimper, salle de culture générale. Entrée libre.

Cette rencontre a permis de prendre connaissance du travail de l’artiste et architecte Catherine Rannou (durée conférence : 50 min.) et d’échanger avec l’artiste sur son projet (45 min.). Un public hétéroclite d’une quarantaine de personnes a assisté à cette rencontre inaugurant la résidence 2015 : auto-constructeurs/trices, architectes, étudiants, amateurs et professionnels de l’art contemporain, élus municipaux, ou simplement des personnes intéressées par le sujet.

Appel à participation : ce fut également l’occasion pour Catherine Rannou de lancer un appel à contribution auprès des auto-constructeurs/trices de Quimper et alentour.
N’hésitez pas à nous contacter si vous êtes intéressé-e en appelant svp au 02 98 50 35 63. Laissez votre message et coordonnées en cas d’absence. Nous vous rappellerons dès que possible. D’avance merci.



Compte-rendu

1. Conférence Catherine Rannou

Catherine Rannou cite deux références : 

Viktor Papanek : " Dans un environnement qui est visuellement, physiquement et chimiquement bloqué, ce que les architectes, les designers industriels, les planificateurs, etc… pourraient faire de mieux pour l'humanité, serait de cesser complètement leur travail. "in introduction de l'ouvrage Design pour un monde réel, 1963-71.

Herman Melville : " I would prefer not to. " qu'on peut traduire par " j'aimerais mieux pas ".
in nouvelle  Bartleby, the scrivener - A Story of Wall Street (Bartleby, l'écrivain - Une histoire de Wall Street).

CR : On évolue dans cette histoire de l'architecte qui essaye de s'effacer, de disparaître, et peut-être de laisser-faire et de lâcher-prise. Je suis plutôt dans une mouvance au-delà du post-modernisme avec une forte critique de la table rase du mouvement moderne.

Image : Parc de la Villette, Paris.
En haut : La Bicyclette ensevelieClaes Oldenburg Coosje Van Bruggen, assistés par l'architecte Patrick Bouchain, 1990.
En bas : Jardins des Vents et des Dunes, Catherine Rannou & Isabelle Devin, 1990-2000

CR : J'arrive entre ces deux mondes, entre l'artiste où il semblerait y avoir des libertés et presque, parfois, une irresponsabilité par rapport au fait d'être dans l'espace public, et l'architecte au contraire qui a cette connaissance de toutes ces normes très lourdes. C'est la clé de mon travail aujourd'hui qui questionne la norme, l'auto-construction, etc. C'est une sorte de degré de liberté que j'admire. Il y a une poésie que je trouve intéressante, et en même temps, en tant qu'architecte, il m'est parfois difficile d'avoir ces libertés-là.

Images : Colonisation 2041, Catherine Rannou, installations sous forme de compte-rendu, MEP, Paris, 2009.

CR : Je peux accompagner des scientifiques dans des lieux hors normes, hors monde, qui questionnent la logistique : comment un homme s'installe et survit dans des lieux qui n'ont pas envie de lui, par exemple en Antarctique ? Je suis allé en Arctique aussi, dans des lieux très isolés comme Tristan Da Cunha qui est une île dans l'Atlantique sud la plus isolée du monde, avec toujours ce filtre de la logistique, de l'homme qui colonise, qui construit, qui se protège, comment il trouve des matériaux, et comment, même avec une logistique polaire, il va faire les poubelles pour trouver de quoi adapter ce qu'il a de plus précieux : son instrument scientifique. 

Mes travaux sont une sorte d'agglomération de plusieurs médias : dessins animés, plans, sites internets, sortes de compte-rendus multimédias avec de multiples points de vues sur un parcours, un déplacement, un mouvement.


Trois projets différents d' oeuvres en ligne :

- 32kO : balises numériques, logistique scientifique Antarctique, stations polaires Dumont d'Urville et Concordia.
32 ko était la contrainte en quantité de données pour communiquer via internet.

- Igloolik : Nanavut, Arctique canadien.
Avec des Inuits qui construisent à partir de ce qu'ils trouvent dans les décharges générées par les expéditions (pollution). 

- Sentiment océanique : roman-photo, mission scientifique Isolde sur l'île Tristan Da Cunha, Atlantique sud.
Sorte de fiction amoureuse en référence à Tristan et Iseult, mêlée à de la documentation scientifique.



CR : C'est une sorte de plan-masse qui est une vue d'une station Antarctique, qui est une auto-construction totale, à peine organisée, où il y a des agencements d'hommes, de containers, etc. C'est cela qui m'intéresse. 
Ce sont aussi toutes ces caisses qui emballent les outils scientifiques et les futurs bâtiments qui vont rester en Antarctique, pris dans la glace, mais qui vont permettre aussi de faire de la récupération. 

L'inventaire est ou outil important pour moi qui permet de montrer des typologies. 
La première série est une collecte d'images prélevées sur internet d'installations de stations sur l'Antarctique. On voit que c'est toujours un peu la même chose, avec plein d'objets déconnectés les uns des autres à cause de la peur du feu, etc. 

J'ai fait aussi l'inventaire d'autres installations dont on ne sait ce que c'est. Est-ce que ce sont des abris scientifiques ? Est-ce que cela abrite des fruits et légumes ? Toute cette confusion que je trouve intéressante de typologies presque anéanties et aplanies par des questions de logistique et de résistance à des situations extrêmes et aux intempéries.



Catherine Rannou présente ensuite d'autres séries d'inventaires, notamment des vues de son exposition Rural Design 2002-2014 en cours à La Criée centre d'art contemporain de Rennes jusqu'au 15 février : 
- hangars agricoles en Tasmanie, Antarctique, Canada, Bretagne, Alabama.
- auto-constructions autonomes (énergie) qui abritent pêcheurs et matériels en Tasmanie, Caroline du Nord.
- auto-constructions d'Inuits réalisées à partir de l'assemblage de caisses en bois de transport maritime récupérées dans les décharges.
auto-constructions réalisées à partir de matériaux récupérés de constructions existantes ou glanées sur les grèves volcaniques, île Tristan da Cunha.

CR : Alors qu'est-ce que ça donne en tant qu'architecte ?
Je vous ai montré "Jardins des Vents et des Dunes", j'ai fait des logements sociaux, j'ai construit pas mal de bâtiments publics, etc., Mais quand je suis arrivée en Bretagne, j'ai voulu, peut-être avec la maturité acquise, accepter de lâcher prise, accepter de quitter le contrôle total de son propre projet, de son propre dessin. 
Voici deux maisons faites avec des auto-constructeurs et qui sont inspirées de tous les inventaires que j'avais déjà faits : 
- la Maison de Y & S
- la Maison du Hacker a été une sorte de troc avec un hacker qui n'avait pas les moyens de payer un architecte. 
C'est par mon travail d'artiste que je suis arrivée aux auto-constructeurs, et non pas par mon travail d'architecte. 
En tant qu'architecte, on a une assurance professionnelle, on fait partie de l'Ordre des architectes, et on doit respecter certaines normes. Donc construire avec des auto-constructeurs, c'est très risqué pour l'architecte car on peut être rayé de l'Ordre. Il faut donc trouver des arrangements. 



CR : Je suis sur la bordure de la profession des architectes. Un peu comme dans la permaculture, c'est toujours dans les franges et les lisières qu'il se passe les choses les plus intéressantes. Mais en même temps, l'Ordre des architectes va m'inviter par exemple pour une remise de prix, ou à donner une conférence devant mes collègues...

Ici (photo ci-dessous), mon parti-pris a été de demander aux habitants de prendre eux-mêmes les photos de leurs habitats et de faire un commentaire qui explique comment ils y vivent. Ce sont eux qui ont fait la conférence ! Cela a été vraiment apprécié car cela change des conférences où l'architecte explique comment, d'une façon pyramidale, il a réalisé sont projet.



CR : Le travail que je vais faire ici en résidence, ce sera de travailler sur tous ces petits détails mis au point par les auto-constructeurs, les petits défauts... Ce n'est pas une critique mais la poésie de ces détails mis au point sans ou avec très peu de savoir-faire.

Le malentendu ! (photo ci-dessous)
C'est une photo que j'ai faite d'un abri à Concordia, l'endroit dans le monde le plus proche de la planète Mars. On y retrouve les scientifiques qui veulent partir faire des expérimentations sur Mars. En Antarctique, c'est l'endroit où la vision du ciel et des astres est la moins polluée.



CR : Cette construction abrite un instrument scientifique qui permet de voir le ciel profond et l'histoire du big-bang, etc. : le bolomètre.

Le container n'était pas suffisant pour les scientifiques qui ont dû trouver ce qu'il y avait sur place. Finalement, ce bâtiment est une sorte de cartographie de ce qui était disponible dans la station Concordia : boîtes en bois de bouteilles de vin, du contreplaqué, des tuyaux de chauffage, etc.
Ce qui est troublant, c'est que des artistes et des critiques d'art ont cru que j'avais contruit ça en Antarctique. C'est pour ça que je parle du "malentendu", c'est là qu'il y a eu un basculement et que je me suis dit qu'il y avait un travail intéressant à faire sur cette ambiguïté dans laquelle je me mets.
Il est clair que les architectes savent très bien qu'un architecte est incapable de faire ça ! C'est dans les dimensions, dans la liberté qu'il y a dans les associations de certaines structures. C'est l'expérimentation. Ce qui manque à l'architecte, c'est ça : il fait faire alors que l'artiste fait lui-même. Il y a ce décalage où il est obligé de dessiner d'abord, de coder ses idées pour faire faire. 

De ce projet, que je revendiquais comme une photo d'artiste, mais que j'avais complètement couvert, photographié, je sentais bien que quelquechose sortirait... 

Catherine Rannou décrit les détails de cette auto-construction.

CR : C'est là-dessus que j'aimerais bien travailler pour cette résidence, relever toute cette intelligence et tous ces détails. 
La base de cette résidence est Le Grand Livre du Wood publié aux éditions Ultra à Brest. C'est une sorte de catalogue d'architecture comme le font les agences. 
J'ai créé une agence d'architecture virtuelle, l'Agence Internationale. C'est une critique de ces grandes agences internationales qui font des tours bioclimatiques aux labels écologiques en délogeant des milliers de gens, etc., ce n'est donc pas une écologie sociale. 

Cela a donc démarré de cette critique de cette fausse écologie et de ces projets tellement normés qu'ils ne sont peut-être plus écologiques. 
J'ai commencé à faire un inventaire de quelques bâtiments que je trouvais intéressants et qui ne sont pas revendiqués par des auteurs, et que cette agence d'architecture pourrait s'approprier. C'est une fiction, c'est virtuel. L'idée serait de pouvoir faire des conférences et des expositions d'architecture en tant qu'Agence Internationale dans des lieux d'architecture.

Catherine Rannou montre un inventaire photographique d'auto-constructions diverses en Antarctique, en Arctique, et ailleurs.



CR : On est parti de ces auto-constructions. J'ai fait appel à des architectes qui seraient des contributeurs. Chacun donne ce qu'il peut donner mais n'attend rien en retour. On donne son savoir-faire et on le met "dans le pot". C'est une contribution avec une dizaine d'architectes avec lesquels j'ai travaillé, des étudiants. J'ai donné à chacun une série de photos pour qu'ils les redessinent sur le logiciel SketchUp avec l'oeil du constructeur. Donc ce n'était pas un dessin graphique mais un dessin fait pour faire reconstruire le projet, et créer cette ambiguïté : l'a-t-on dessiné avant ou après ?




Catherine Rannou montre et explique les fiches figurant dans le livre (image ci-dessus).

CR : Le texte mélange réalité et fiction. Ce sont les petites histoires qu'on m'a racontée sur les bâtiments. Dans tous ces textes, il y a le "nous" du projet qui crée une ambiguïté parce qu'on ne sait plus qui a fait le projet. C'est une sorte de story-telling du projet. 

Pour expliquer ce que je vais rechercher chez les auto-constructeurs...
Ce que j'aime beaucoup, c'est la discussion sur le détail. Ce n'est pas le même vocabulaire qu'un artiste ou un architecte, c'est une autre façon de parler. J'aimerais bien aller faire des collectes de ces descriptions autour du détail.

Catherine Rannou montre des photos de couvertures de la revue Detail

CR : Ce ne sont que des compte-rendus de projets à travers les détails. C'est le summum de la maîtrise, de l'absence de lâcher-prise, du contrôle total, c'est la toute puissance de l'architecte. Ce serait bien qu'on arrive à faire une exposition qui soit à la hauteur de la revue Detail...

Catherine Rannou montre des photos de détails de constructions en cours, et notamment la chatière d'un auto-constructeur présent dans la salle, dont la photographie de l'artiste a été choisie comme image générique de la résidence.

CR : Je trouverais très intéressant de le redessiner sur Autocad, et peut-être de le faire refaire par un entrepreneur ou avec une imprimante 3D. 
Ce que j'y aime, c'est l'attention, la générosité, la bonté, mais il y a quand même une contrainte  (alors que toutes les chatières standards sont carrées).
C'est cette poésie dont je parle et qui est généreuse.



CR : En fait, c'est un début de résidence, je n'aimerais pas m'engager sur quelquechose de trop formel. On ne sait pas comment ça va se passer, c'est le but des résidences d'artistes. Si je sais déjà ce que j'ai à faire, ça n'a pas d'intérêt. Donc j'essaye de me garder des libertés pour qu'on arrive à quelquechose qui n'est pas tout à fait prévu...


FIN DE LA CONFERENCE  

>  DEBUT DE L'ECHANGE avec les personnes présentes.




2. Echange

Eric Le Vergé : Mis à part les gens que l'on a déjà rencontrés avant cette rencontre, y a-t-il dans la salle des auto-constructeurs ?

Personne 1 : Je connais quelqu'un vers Plonéour-Lanvern qui construit une maison en bois et qui vit sur le terrain en attendant, dans un mobil-home à Treguennec. Il se donne deux ans. Il a touché à tout, il a déjà installé des cabanes dans des arbres, etc. Il va commencer en février.

ELV : Dans l'idée de Catherine, c'est la réalisation déjà effectuée qui devient projet. 

Catherine Rannou : Voilà ! Mais les discussions avant de construire peuvent être intéressantes. Comme je vais faire une fiction, si cela se trouve, ce sera une maison improbable qui n'existe même pas, et qui sera faite du cumul des détails de tous les auto-constructeurs. On verra... Cette conversation sur l'élaboration et le dessin des détails avant que la maison existe, est intéressante quand même. C'est ouvert. 

P1 : Au niveau géographique, vous êtes limités ?

ELV : Au départ, on avait dit que la résidence se déroulerait plutôt aux alentours de Quimper. Mais si on a ouvert à tout type d'auto-constructeur, c'était aussi pour en toucher également en ville. C'est vrai que la question de l'auto-construction touche plutôt les gens qui sont à la périphérie. C'est lié à la construction de maison, au prix du terrain, au fait qu'il y a moins de place en ville...

CR : Oui, et aussi des libertés qu'on peut avoir plus facilement en périphérie.

P2 : A ce sujet, vous n'avez pas cité les Castors. Je suis architecte retraité, j'ai construit ma maison moi-même, parce que je suis aussi bricoleur. Grâce aux Castors, j'ai réalisé une économie substantielle. C'est une association dynamique qui accompagne des gens qui construisent différemment.

CR : La maison-containers dont j'ai parlé était en rapport avec les Castors. 

ELV : C'est dans le quartier de Terre Noire, la cité des Abeilles, qu'ont été construites des maisons avec les Castors après la guerre.

CR : Lors d'une conférence précédente, j'avais commencé en parlant des Castors parce que c'est exemplaire. D'après ce qu'on m'a dit, peut-être que leur limite est qu'ils restent sur des matériaux conventionnels, qu'ils ont du mal à intégrer les questions environnementales. 

P2 : Ce sont des matériaux qu'ils sont susceptibles de mettre en oeuvre eux-mêmes. Tout le monde ne s'improvise pas maçon. Le bois est plus facile à mettre en oeuvre, à couper, etc., soi-même. D'ailleurs, dans les exemples que vous avez donnés, on voit que ce sont des matériaux malléables. 

ELV : Ce peut-être tous types de matériaux, par exemple des maisons dont les murs sont construits avec des pneus récupérés, puis solidifiés avec du béton. 

CR : C'est Rural Studio en Alabama. C'est un enseignement qui permet de travailler avec des communautés noires qui n'ont pas d'argent, et de récupérer des matériaux pour leur construire des maisons, et même des centres pour les jeunes, petites mairies. Ils partent de cette culture rurale d'auto-construction. 

P2 : Il y a aussi une dimension intéressante dans l'auto-construction, c'est la pluralité des intervenants. Quand on construit soi-même, on a des copains, des voisins qui viennent donner des coups de mains. Ils savent qu'on va leur faire confiance, et ils font ce qu'ils savent faire. Il y a aussi cette dimension collective-là. Je pense aussi aux Shakers aux Etats-Unis qui construisaient eux-mêmes des maisons en bois réalisées collectivement. 

CR : Oui, la dimension du collectif est intéressante, de collecter des savoir-faire autour de soi. Je ne vous ai pas parlé de mon travail de dessin, ce sont souvent des cartes. J'ai un projet qui est une carte des matériaux de la station. Je pense qu'il y a une carte à faire des savoir-faire qui se concentrent juste sur un projet. 

P2 : J'ai bien compris que ce n'était pas l'objet de votre intervention, mais pour moi malgré tout, être architecte c'est construire de façon pérenne, ça fait partie des exigences, des règles et des lois en la matière. C'est une responsabilité, et ça n'exclut pas pour autant la poésie. La poésie de la forme, de la lumière, des parcours, c'est compatible avec l'architecture en général. 

CR : Je crois que l'architecte a toujours été fasciné par l'architecture sans architecte, et que j'essaye de matérialiser. Donc on pourra aller voir votre maison ? 

P2 : Oui, mais elle n'est pas totalement auto-construite pour des raisons de disponibilités et de savoir-faire.

ELV : J'ai assisté en décembre à une réunion sur l'auto-construction à l'Effet Papillon. Ce qui revenait souvent, c'était "auto-construire c'est s'auto-construire". Il y avait des professionnels dans l'accompagnement des auto-constructeurs, qui rappelaient régulièrement ce conseil : "surtout n'imaginez pas que vous allez pouvoir tout faire ! ". Cela rejoint ce que Catherine appelle "le lâcher-prise", c'est-à-dire accepter de ne pas avoir le contrôle sur tout. L'auto-constructeur peut réaliser un certain nombre de choses, en apprenant aussi, mais il lui faut oublier qu'il pourra tout faire lui-même, car même un professionnel du bâtiment ne peut y arriver. Ces conseillers ont parlé des conséquences que cela peut avoir sur un couple, une famille. L'exemple courant est celui de l'auto-constructeur/trice qui pense partir pour deux ans de projet, et qui cinq ans après y est encore, mais qui n'est déjà plus avec son mari ou sa femme... justement parce que cela a duré cinq ans et non pas deux. Auto-construire c'est s'auto-construire, mais c'est aussi parfois s'auto-détruire ! Cela pose des questions de fond qui vont bien au-delà des aspect pragmatiques et techniques.

P2 : La temporalité ! Le travail d'architecte consiste à projeter d'abord puis à entrer dans une mécanique du faire avec des objectifs, des délais, c'est ce qu'on attend de nous. 

CR : Mais alors comment peut-on concevoir à plusieurs, dont un peut être architecte, et que ce soit horizontal et non pas pyramidal ? Les auto-constructeurs se méfient énormément de l'architecte, et ils ont raison car dès qu'il y a un architecte, c'est pyramidal...

P2 : C'est un pouvoir ! 

CR : Et il y a l'image que représente l'architecte. Il y a des énergies énormes dans l'auto-construction. Je me dis parfois en voyant certains projets, qu'il est dommage qu'il n'y ait pas eu une compétence d'architecte pour canaliser certaines choses, pour que l'espace soit encore plus lumineux ou poétique, etc., pour amplifier le projet. 

P2 : C'est plutôt le domaine de l'habitat individuel. 

CR : Oui, le collectif c'est compliqué, même si ça se met en place. Il y a la question de la propriété qui pose problème. 

P2 : Je pense à la démarche de Lucien Kroll qui établissait un catalogue de matériaux. Par exemple, il construisait une structure, et dès qu'il en arrivait aux façades et assurait donc le couvert, il offrait aux futurs habitants un catalogue (menuiseries en bois, en alu, etc.), chacun dans leur logique, et les gens pouvaient choisir indifféremment le plastique, le bois, le métal, etc., pour refermer leur logement. 

CR : Lucien Kroll est encore vivant. Il y aura cet été une exposition de lui à la Cité de l'architecture à Paris. Il va parler de tous les projets qui ont échoué. Comme il laissait le libre choix aux habitants, il a été rejeté par les architectes, comme Yona Friedman par exemple qui fascine tous les artistes. Lucien Kroll partait des désirs des gens, de l'archétype du pavillon de banlieue si les gens voulaient construire ce type d'habitat. C'était très choquant pour les architectes, et il y a toujours aujourd'hui des enseignants en architecture qui ne veulent pas travailler avec moi à partir des projets de Lucien Kroll. Il a réussi à faire des bâtiments publics collectifs avec des habitants...
Au Chili, il y a aussi ELEMENTAL qui est un groupe intéressant. 
(CR explique un projet réalisé). 
Cela pose la question de l'architecte engagé qui ne répond pas qu'au simple fait de construire, mais qui propose des solutions sociales. 
En ce qui nous concerne, on est pas dans le collectif mais dans la construction individuelle de chacun, de l'individu par rapport au détail et ce que cela entraîne : quelles compétences, quelles personnes ? C'est encore un peu flou... Y a-t-il des auto-constructeurs ici qui seraient intéressés ?

P3 : L'idée serait de suivre une auto-construction déjà réalisée et de savoir comment on en est arrivé là ? 

CR : Ce que je trouve intéressant, c'est la visite de l'endroit, peu importe à quel stade il en est, et c'est la discussion autour de la construction, comment vous en parlez. Il s'agit d'entretiens. Je vais peut-être faire des croquis, des dessins, je vais essayer de me l'approprier... 
Cela pose la question de l'auteur. Je ne suis pas pour la notion d'auteur chez l'architecte. Je connais pas mal de photographes qui ne peuvent plus faire de photos dans Paris parce qu'il faut demander l'autorisation de celui qui a construit le bâtiment. Je ne suis pas d'accord. Les architectes l'ont construit dans l'espace public, c'est à tous, et si un artiste veut faire un travail à partir de ça et gagne de l'argent avec, peu importe. Je construis dans l'espace public et je suis déjà payée pour cela. 
Mais cela peut poser question à l'auto-constructeur qui peut se positionner en auteur. Il faut que ce soit bien clair, l'Agence Internationale revendique des projets sans auteurs et crée cette ambiguïté, crée une fausse histoire, brouille les pistes. Mais si certains veulent être auteurs, on peut intégrer le fait qu'il y ait une association entre un auteur et cette agence. En fait, j'écris une sorte de compte-rendu dans lequel il va se construire une histoire. Mais je ne sais pas laquelle. Il faut donc que l'auto-constructeur soit aussi dans un lâcher-prise, que chacun contribue. Il y a des auto-constructeurs qui veulent faire comme les professionnels, et d'autres qui veulent plutôt être inventeurs. 
C'est intéressant de lancer un appel auprès des auto-constructeurs. Je n'ai encore jamais fait comme cela. Ce que je ne voudrais pas, c'est qu'il y ait une sorte de déception, par exemple que je ne fasse rien à partir du travail d'un des auto-constructeurs. Cela ne veut pas dire que je n'aime pas, que ce n'est pas intéressant, que c'est mal fait, etc. C'est juste que cela ne nourrit pas la fiction, mais il n'y a pas de regard critique sur les auto-constructions... Il faut accepter qu'il y ait un flou sur ce qui va être fait. C'est une contribution. 

ELV : C'est une sorte de collaboration artistique.

CR : Pour ce travail là, il y aura un financement pour fabriquer certaines choses, mais je ne rémunérerai pas les auto-constructeurs, on ne sera pas dans un échange financier, on sera dans un autre type d'échange. Comme c'est une contribution, il n'y aura pas de protocole, on fera suivant le contexte.

ELV : Vous allez créer, décider et inventer ensemble. 

CR : Cette histoire de détail et de recherche de détails, c'est un canal pour récolter des choses. Mais peut-être que ce canal ne sera qu'un prétexte et qu'autre chose sera réalisé. Le détail est un démarrage et un angle pour rencontrer les gens, un moyen de rentrer en contact, de discuter et qu'il y ait quelque chose qui émerge. Les résidences n'ont aucun intérêt si l'on sait ce qu'on va faire à l'avance... 

P4 : (question posée mais inaudible sur l'enregistrement) 

CR : C'est transmedia. Cela peut-être de la photo, un inventaire photographique comme je vous en ai montrés, des entretiens, du montage de voix, de discussions, un site internet, un film, etc. Je change de support selon les projets, ça peut-être aussi du tirage traditionnel de plans d'architecte et faire une exposition d'architecture à partir de ces constructions et avec les codes de l'exposition d'architecture... Dans les expositions d'architecture, il y a des vidéos où l'on questionne les habitants, il y a le maître d'ouvrage, le commanditaire, etc. On joue sur l'ambiguïté de cette Agence Internationale qui n'existe pas, qui est virtuelle, qui n'est faite que de contributions. Les contributeurs changent, ils arrêtent quand ils veulent. Cela n'a pas de forme, c'est sans fin, c'est cela que je trouve intéressant. C'est un jeu avec les codes, c'est une installation/exposition.

P5 : Il y a des dates prévues ?

ELV : L'exposition de restitution aura lieu en décembre. On ne sait pas encore où, cela se précisera en fonction du projet de Catherine.

CR : L'exposition d'architecture est une forme qui me tente.

ELV : L'idée est aussi de trouver un lieu qui ne soit pas dédié à l'art contemporain, afin de pouvoir toucher un public plus divers. On a quelques pistes... 

CR : Les contributeurs auto-constructeurs sont à chaque fois mentionnés. Les femmes qui construisent m'intéressent aussi, peu importe l'échelle, si c'est une partie ou toute leur maison. C'est aussi ce que vous estimez être une construction, ça peut être un meuble. 
Il y a d'ailleurs quelqu'un qui m'a déposé un plan avec un texte. C'est quelqu'un de ma famille que je n'ai pas vu depuis très longtemps, et qui vit à Quimper. Si cela se trouve, c'est une histoire familiale qui va renaître avec ce dessin... 
Il y a une recherche de fiction et d'histoire. C'est toute l'histoire qu'il y a autour de l'auto-construction et de chaque projet auto-construit que je trouve fascinant : l'énergie que cela développe, la solidarité. C'est amoureux de construire pour l'autre, pour les autres, de passer ce temps-là à construire. 
On n'a pas encore parlé du fablab...

ELV : Dans le cadre de notre partenariat avec la MJC/MPT Kerfeunteun, on aura cette aide de Fabri Kerné, et notamment l'accès aux imprimantes 3D. C'est donc une possibilité que vous pourriez avoir avec Catherine de réaliser des maquettes. 

CR : On pourrait partir de la maison auto-construite et réussir à la modéliser en 3D pour la réaliser en maquette. J'aimerais que cette modélisation ne soit pas parfaite, qu'il y ait une auto-construction dans la maquette et qu'il y ait des erreurs, que le résultat de la maquette soit encore une autre architecture. 
Donc s'il y a des auto-constructeurs qui souhaitent travailler avec le fablab, ce serait intéressant de voir comment on arrive à y créer à partir d'une maison. 

ELV : La MJC/MPT Kerfeunteun nous ouvre généreusement les portes du fablab au rythme du projet de Catherine et des contributeurs. Vous pourrez aussi y accéder en dehors des périodes de présence de Catherine, toujours dans le cadre de ce projet bien entendu. Cela ne vous coûtera rien, l'association participera aux frais engendrés par les réalisations.


Crédits photos : Marine Vouhé, membre bénévole de l'association Art4Context.








Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire